Messieurs (Freyssenet, Pastré, Hamon), grâce à vous, REPÈRES est devenu une marque. On dit un Repères, comme l'on dit un frigidaire. Cela, nous vous le devons, à vous qui êtes ici avec nous ce soir, mais aussi, beaucoup, à Jean-Paul Piriou. Chère Annick, nous parlons souvent de Jean-Paul entre nous. La collection continue sans lui, mais il n'a pas été remplacé. Ici se vérifie probablement une conjecture schumpétérienne : après l'âge des capitaines d'industrie, des innovateurs, vient l'ère des managers routiniers chargés de gérer une entreprise qu'ils n'ont pas créée. L'organisation, les procédures, le travail collectif succèdent aux directions visionnaires et charismatiques. C'est pourquoi REPÈRES ne s'identifie plus à un héros ou à quelques missionnaires, mais à une équipe. Une équipe qui gagne, bien sûr, parce qu'elle joue collectif.
J'espère qu'il n'y a pas dans cette salle de concurrents, actuels ou potentiels, car je vais dévoiler, en exclusivité, la recette de la collection que le monde entier nous envie...
D'abord, il vous faut une maison d'édition accueillante, pour ne pas dire une maison tolérante, et efficace. Ces deux qualités sont rarement réunies... Accueillante, cela signifie que l'on vous fait confiance, que vous n'êtes pas étouffé par la censure ou un contrôle bureaucratico-comptable. En sciences sociales, un projet éditorial a toujours une dimension politique et il ne doit pas être incessamment remis en question sous le prétexte des caprices du marché. La direction générale (François et Emmanuelle) ne manquera pas d'apprécier cet hommage discret.
Efficace, cela signifie que toute la chaîne de production-distribution-diffusion-promotion fonctionne, certes dans la bonne humeur, mais malgré tout de façon professionnelle, car l'amateurisme, quand bien même serait-il militant, finit toujours par décourager les meilleures intentions. Les auteurs, qui peuplent le monde enchanté des superstructures, méconnaissent souvent la dure réalité du peuple des infrastructures, quasiment invisible bien que déterminant en dernière instance. Le moment est enfin venu de leur rendre justice. Vous n'échapperez donc pas aux remerciements.
Je commence par la lettre A, comme Annette, qui contrôle l'accès au patron et à laquelle vous devez, entre autres, de recevoir des contrats. Ensuite, il convient de rappeler aux plus distraits que les livres doivent être fabriqués, ce qui exige d'ailleurs bien plus qu'une fabrication, car la forme est la trace laissée par le souffle de l'esprit sur la matière. Ici règne sans faiblesse ni compromission Andréas, dont la garde rapprochée est composée de jeunes femmes, Caroline et Marie. La « Fab », comme tous les bons artistes, travaille avec un compositeur, Facompo, en particulier avec Marc Le Buan, qui a suivi presque tous les Repères depuis le n° 3, les couvertures étant réalisées par DVAG, représenté par M. et Mme Verlag.
Quand vous arrivez à La Découverte, vous montez au troisième étage, où vous êtes reçu par Ouafia. Si vous cherchez un Repères introuvable, il faut le demander à Mounir.
Malgré nos préventions archaïques contre la production pour le marché, il faut bien se résoudre à vendre tous ces livres. Nous avons donc un service commercial, très efficace lui aussi, sans pour autant ressembler à ce qu'il y a de plus commercial dans un service commercial : il est dirigé par Bruno, assisté par Stéphanie. Tant qu'il reste des libraires, la mise en place de nos livres, jusqu'au fin fond de l'Auvergne, dépend de la force de conviction des représentants d'Interforum.
Enfin, parce que les lecteurs ne se précipitent pas spontanément et massivement sur le dernier Repères sorti afin de satisfaire leur névrose de collectionneur, il faut attirer leur attention par des moyens, avouables ou non, que met en œuvre, avec patience et élégance, le meilleur service de presse de la place : Marion, Pascale et Sabrina. La conquête du marché mondial est de la responsabilité de Delphine.
Il y a un point commun entre deux métiers que je connais un peu. L'enseignement serait une activité professionnelle très agréable... sans les élèves. L'édition serait une petite rivière tranquille... sans les auteurs. C'est ce que l'on appelle le facteur humain. Je sais que la réciproque est vraie : pour les auteurs, l'idéal c'est l'édition sans les éditeurs. Mais je crois que nous sommes condamnés à vivre ensemble, tout particulièrement dans le cas des Repères, dont la qualité ne dépend pas seulement de celle des auteurs, qui est grande, personne n'en doute ici, mais aussi du travail du comité éditorial, qui fonctionne comme une petite académie, et des nombreux rapporteurs ou referees, dont la contribution désintéressée à la sélection et à l'amélioration des manuscrits prouve que toutes les valeurs ne sont pas encore dissoutes dans « les eaux glacées du calcul égoïste ».
Non, je n'oublie pas Marieke. Grâce à elle, les autres sont enfin jaloux de moi. Ils me disent : « Tu as la chance de travailler avec Marieke. » Eh bien, c'est tout simplement vrai : j'ai cette chance et je ne cesse de m'en étonner.
Voilà. Je vous remercie d'être venus, nous y sommes très sensibles. Nous l'interprétons comme un soutien moral qui nous est précieux. REPÈRES a 25 ans, longue vie à REPÈRES.
Pascal Combemale