Chères lectrices, chers lecteurs,
Les temps de crise incitent à rechercher des alternatives. Certaines sont encore à inventer, mais d’autres existent sous nos yeux, depuis longtemps. Il en va ainsi de L’économie sociale et solidaire, une nébuleuse souvent évoquée mais généralement mal connue. C’est ce qui justifie une synthèse en 128 pages. En combinant les approches, historique, économique, juridique et sociale, Timothée Duverger dresse un tableau de ce tiers-secteur, entre l’État et le marché, émanant de la société civile, et qui totalise plus d’un emploi sur neuf. Malgré sa grande hétérogénéité et ses transformations au cours du temps, l’ESS continue à se définir par ses principes : primauté des personnes et des objectifs sociaux ou environnementaux sur la rentabilité du capital, réinvestissement de la plupart des bénéfices dans l’activité, gouvernance démocratique ou participative, coopération volontaire et solidarité. Une façon de rappeler qu’il n’est pas toujours mauvais d’avoir des principes, à condition de bien les choisir.
Être solidaire, c’est louable, mais jusqu’où étendre sa compassion, ou son empathie ? Si vous cohabitez avec un chat, un poisson rouge ou une mygale, vous connaissez peut-être la réponse.
Depuis 2015, l’animal est qualifié d’« être vivant doué de sensibilité » dans le code civil français. Pourtant, la SPA existe depuis 1845 et beaucoup de nos compatriotes connaissent depuis longtemps la fondation 30 millions d’amis (1976). Mais, en octobre 2015, des scènes de mise à mort d’animaux filmées dans l’abattoir d’Alès par l’association L214 circulent sur les réseaux sociaux et sont relayées par les médias traditionnels. L’histoire illustre la diversité des mobilisations et des mouvements qui promeuvent la cause animale. À l’origine, il s’agissait d’une préoccupation, ou d’un mode de distinction, aristocratique. La première association fut anglaise : en 1824 est créée la Society for the Prevention of Cruelty to Animals, qui se voit dotée quelque temps plus tard du prestigieux préfixe Royal grâce au parrainage de la jeune reine Victoria. On ne se préoccupait alors pas de tous les animaux (comme les moustiques défendus par le député Aymeric Caron), mais surtout des animaux de trait, et non des animaux de compagnie. L’intention était plutôt de protéger la sensibilité de l’élite sociale que les animaux eux-mêmes, dont la souffrance n’était pas encore un sujet, tout en stigmatisant la cruauté des classes populaires, qu’il s’agissait d’éduquer. Les mobilisations contre la vivisection viendront ensuite (fin xixe siècle, très peu en France) et ne convergeront pas avec les mouvements de protection. Elles seront portées par d’autres catégories sociales (classes moyennes montantes, avec un rôle important des femmes). Ces quelques notations montrent l’intérêt d’une Sociologie de la cause animale, en fait une socio-histoire, pour comprendre l’évolution vers ce que nous connaissons aujourd’hui : l’antispécisme, le véganisme, depuis le début des années 1970 (Peter Singer écrit Animal Liberation en 1973). Dans la sphère académique, existent désormais des Animal Studies, voire des Critical Animal Studies. Même si vous n’avez pas de poisson rouge, vous apprendrez beaucoup en lisant ce Repères de Fabien Carrié, Antoine Doré et Jérôme Michalon. Par exemple, saviez-vous qu’à la suite de l’adoption du Patriot Act par le gouvernement de George W. Bush, en 2001, l’Animal Liberation Front avait été catégorisé comme organisation terroriste par le FBI ?
Le troisième livre publié en ce mois de février, Sociologie des relations internationales, signé par Guillaume Devin et Marieke Louis, est une nouvelle édition : la cinquième, ce qui nous permet de rappeler que nombre de Repères s’inscrivent dans la durée et deviennent des classiques. Dans ce monde incertain, nous essayons d’offrir des valeurs sûres…
Éditorialement vôtre,
Pascal Combemale