Chère lectrice, cher lecteur,
Si votre vie était rythmée par les « Repères », vous sauriez que la parution des trois périodiques de l’OFCE et du CEPII annonce l’automne.
Le premier, consacré à L’économie française 2025, nous confirme que le métier de conjoncturiste, qui n’est déjà pas facile en temps ordinaire, devient acrobatique lorsque s’ouvre une période d’incertitude politique. Le déficit budgétaire 2025 sera-t-il de 5 % ou de 6 % du PIB, soit un écart de l’ordre de 30 milliards ? Les augures de Bercy semblent désorientés. Un tel tangage accentue le besoin de « Repères »…
Le deuxième élargit la focale à L’économie européenne 2025. Notre Premier ministre, dont j’ignore s’il le sera encore quand vous lirez ces lignes, fut vice-président de la Commission européenne. Bien que cela ne soit pas nécessaire, nous est ainsi rappelée l’intégration de notre économie dans ce premier cercle, avec ses avantages et ses contraintes. Sur cette scène, la vedette du moment est Mario Draghi, qui restera probablement dans l’histoire pour son « whatever it takes ». Si l’on en croit son rapport, il en coûtera beaucoup pour espérer revenir dans le peloton de tête (le premier chapitre du livre est intitulé : « L’Europe décroche »).
Nous devons au troisième « Repères », L’économie mondiale 2025, un rappel qui semble vraiment nécessaire, tant nous avons parfois l’impression que les débats qui nous agitent tendent à ignorer notre dépendance vis-à-vis du reste du monde (par exemple pour les matières premières dites « critiques »). À l’échelle de l’économie mondiale, les sources des chocs se trouvent du côté de la crise écologique et des tensions géopolitiques, ces dernières étant les plus imprévisibles. Plus l’incertitude augmente et plus il faut pouvoir réagir rapidement et suffisamment, donc disposer de marges de manœuvre. Or, voyez-vous, même les banques centrales font aujourd’hui des pertes.
Ces trois « Repères » se complètent et forment ce que l’on pourrait appeler un bouquet…
En 2018, le biophysicien chinois He Jankui a réalisé la modification génétique de deux jumelles grâce à la technologie CRISPR-Cas9, afin qu’elles soient immunisées contre le virus du sida. Il a déclaré que son objectif était uniquement de réparer les deux fillettes. Le transhumanisme se définit par le désir d’augmenter toujours plus l’être humain, grâce à la technique, jusqu’à parvenir à un humain 2.0 ou posthumain… Pour les uns, il s’agit d’une hubris dangereuse, une expression d’un libertarianisme sans limites. Pour les autres, c’est l’humanisme « classique » qui dénature l’être humain en l’empêchant de se réaliser, tandis que le transhumanisme voudrait assurer le bien-être de toute l’humanité. Le livre de Stanislas Deprez sur Le transhumanisme montre la complexité de ce mouvement. La plupart des entrepreneurs de la Silicon Valley ne sont pas des militants du transhumanisme, mais ils partagent une vision commune de l’humain, du monde et de l’avenir. Les progrès récents en matière de robotique et d’intelligence artificielle alimentent cet imaginaire. La puce cérébrale de Neuralink en fournit une illustration concrète. Bien que les lecteurs de « Repères » n’aient nul besoin d’être « augmentés », ce sujet peut les intéresser.
Voici enfin la troisième édition revue et augmentée du Nouveau manuel de science politique, sous la direction d’Antonin Cohen, Bernard Lacroix et Philippe Riutort. S’il peut désormais difficilement prétendre être « nouveau », il est devenu « le » manuel de référence, qui réalise la prouesse de réunir les contributions de près de cent spécialistes, garants de sa qualité scientifique. L’enjeu est donc de conserver ce statut. L’histoire mouvementée de notre monde et l’évolution de la recherche ont imposé des entrées supplémentaires, par exemple pour les politiques environnementales, donc une prise de poids. Mais il demeure étonnamment maniable et a gagné en élégance, dans sa nouvelle robe bleu nuit. Je le vois bien dans votre bibliothèque.
En vous souhaitant un bel automne,
Pascal Combemale