Début mai 2010, la ministre Christine Lagarde a qualifié de « pousse au crime » les dégradations par l'agence de notation Standard and Poor's des « notes » des dettes publiques de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne, alors même qu'une aide de 110 milliards d'euros venait d'être octroyée à la Grèce par ses partenaires européens et le FMI. En effet, dès lors que les opérateurs sur les marchés financiers interprètent la notation des trois plus grandes agences (les deux autres étant Moody's et Fitch) comme une mesure fiable du risque, les dégradations ne sont plus seulement une information rendue publique, elles contribuent à faire advenir ce qu'elles annoncent.
Ces agences, qui sont aujourd'hui au cœur de l'actualité, existent depuis plus d'un siècle car elles répondent à une demande des investisseurs sur des marchés structurellement fragilisés par l'asymétrie d'information (l'agent, qui vend un titre pour se financer, connait mieux sa situation réelle, par conséquent le degré de risque de ce titre que celui qui l'acquiert). La crise asiatique de 1997-1998, le scandale Enron en 2001, la débâcle des subprimes de 2007-2008 et, désormais, la crise grecque ont révélé au grand public l'influence de la notation financière, suscitant des critiques qui vont crescendo et concernant :
- l'opacité des méthodes de notation : par exemple, comment noter un pays, alors qu'il est déjà difficile de noter une entreprise ?
- la forte concentration du secteur de la notation : faut-il créer de nouvelles agences, pourquoi pas publiques, pour casser la domination de cette activité par trois firmes ?
- les conflits d'intérêts apparus au sein des agences : est-il acceptable que ce soient les notés qui payent leurs notes ?
- l'incapacité chronique des agences à anticiper les dégradations brutales de solvabilité des emprunteurs (par exemple, peu de temps avant de faire faillite, Enron était bien noté) ;
- la tendance des agences à « surréagir » une fois les crises confirmées : comme on vient de le voir pour le Grèce, les dégradations contribuent à aggraver la situation.
S'explique ainsi une demande de régulation (transparence, codes de bonne conduite, etc.) de plus en plus forte. Pour en comprendre les enjeux, il faut bien sûr savoir comment fonctionnent réellement ces agences. C'est ce que permet le « Repères » très pédagogique de Norbert Gaillard, consultant pour la Banque mondiale, Les Agences de notation (février 2010), et dont on pourra prendre connaissance ici.